Advergaming : le nouvel eldorado du Brand Entertainment

Première industrie du divertissement, le secteur du jeu vidéo pèse désormais deux fois le marché du cinéma et la musique réunis. Après le cinéma, c’est au tour des marques d’investir ce territoire en intégrant la logique de « Brand Entertainment transmedia » et non plus en considérant le jeu vidéo comme un simple espace d’affichage numérique.

Où s’arrêtera la vague du gaming ? Plus d’un tiers des Terriens, soit 2,7 milliards d’humains, sont des joueurs de jeu vidéo, selon une étude d’Accenture parue en 2021. En France, la part des joueurs grimpe à 70 %, ce qui représente 37 millions de pratiquants, selon la dernière étude du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). Le secteur est un poids lourd économique : il pèse plus de 300 milliards de dollars de revenus, selon Accenture, plus que le cinéma et la musique réunis. Signe de l’influence grandissante de ce secteur économique, il est désormais au cœur des événements les plus marquants de l’industrie culturelle.

Le cinéma et l’industrie du jeu vidéo flirtent depuis plusieurs années déjà et on ne compte plus les adaptations de jeux sur grand écran ou bien la déclinaison en jeux d’univers cinématographiques : Batman, Assasin’s Creed, Tomb Raider, Gran Turismo, ou, plus récemment, Super Mario Bros (plus d’un milliard de dollars de recettes en un mois). Le jeu vidéo est depuis longtemps sorti du ghetto ; il est partout, au cinéma, dans les séries, dans le métro. Nous sommes à l’apogée de la culture gaming. La frontière entre les différents univers culturels se brouille et les codes du gaming se retrouvent partout, dans la culture, le sport…

Le phénomène crossover

L’industrie du luxe s’inspire, elle aussi, de cet univers foisonnant. En 2019, la marque Louis Vuitton a pris le parti, sous la houlette de son directeur artistique Nicolas Ghesquière, d’associer son image à l’univers du jeu League of Legends. Ce dernier a en effet créé lui-même les nouvelles tenues des héros du jeu vidéo. Mieux, il était possible d’acheter, dans la vie réelle cette fois, des vêtements inspirés des tenues des personnages. Comptez tout de même 500 euros pour un simple T-shirt. Enfin Louis Vuitton, a créé le coffret qui renfermait le trophée du tournoi mondial du célèbre jeu vidéo.

Le trophée du tournoi mondial du célèbre jeu vidéo League of Legends

Le secteur du gaming a dépassé son appellation qui est désormais périmée. Les plateformes vont au-delà du jeu : elles sont devenues des plateformes d’Entertainment et des réseaux sociaux à part entière. Un positionnement clairement revendiqué par Epic Games pour sa licence star, Fortnite. Le 23 avril 2020, une étape majeure a été franchie dans ce rapprochement entre industries du divertissement. En plein confinement, le rappeur américain Travis Scott a offert une performance numérique au sein du jeu Fortnite. Le show a été suivi en direct par 12,7 millions de personnes et a cumulé près de 30 millions de vues à l’issue de quatre rediffusions. Depuis, Ariana Grande et Aya Nakamura ont aussi fait leur show sur la plateforme.

Un nouvel eldorado pour les marques

L’avènement des jeux sur mobile a contribuer à développer la publicité « in games » consistant simplement à afficher la marque dans des espaces publicitaires dédiés, soit sous forme de bannières, soit de façon plus subtile au sein même de l’expérience de jeu comme c’est le cas dans FIFA, GTA ou encore Gran Turismo. Ainsi, même si le ticket d’entrée est parfois élevé, certains éditeurs proposent aux marques d’intégrer l’univers de leurs jeux sous la forme d’un sponsoring, d’un placement de produit ou d’un partenariat plus personnalisé.

Partenariat entre la marque Monster et le jeu vidéo Death Stranding

En effet, certains jeux vidéo permettent au joueur de customiser leur personnage ou leur véhicule (voiture, avion,…) grâce à des points collectés au fil du jeu. Une marque peut tout à fait s’inscrire dans cette pratique en mettant à disposition de l’éditeur ses produits (vêtements, accessoires, modèles de voiture, etc.). Prenons comme exemple le jeux Death Stranding du célèbre Game Designer Hideo Kojima, sorti fin 2019, et dans lequel vous incarnez un livreur UPS de l’extrême dans un monde ravagé par la mort et le néant. Dans le jeu le personnage principal interprété par Norman Reedus (The Walking Dead) est habillé par la marque berlinoise Acronym qui n’en est pas à son coup d’éssai dans l’univers du jeu vidéo.

Ainsi, Kojima Productions a lancé en partenariat avec la marque premium, une veste Death Stranding, celle portée par le héros du jeu. Malgré son prix exorbitant (1700 €), le succès est au rendez-vous puisque la veste a très vite été en rupture de stock.

Mais d’autres jeux sont aussi coutumiers de ce genre de partenariats. C’est notamment le cas des SIMS pour qui on citera, à titre d’exemple, le partenariat avec la marque Moschino qui permit aux joueuses d’habiller leur avatar avec les vêtements de la marque. A noter aussi que ce type de partenariat et de création de contenu peut aussi être mis en valeur par l’annonceur via des opérations de RP ou de l’événementiel.

Vers des expériences de marque plus immersives et adaptées

Désormais , les logiques publicitaires descendantes, où il y a interruption, doivent laisser la place à de nouvelles expériences interactives. Les marques qui veulent entrer dans la partie doivent se considérer comme un joueur parmi d’autres et accepter les règles du jeu. La marque la plus légitime, ce n’est pas celle qui va mettre le plus d’argent sur la table, mais celle qui va y aller pas à pas pour se faire accepter dans cet univers culturel. Le mariage parfait d’une marque et d’un jeu doit offrir un storytelling unique, une intégration parfaite, tout en challengeant les joueurs et en respectant leurs codes.

Les équipementiers sportifs ont depuis longtemps dépassé la seule logique publicitaire. Nike a dématérialisé une partie de ses revenus avec le lancement d’accessoires numériques de sa collection Air Jordan II Cool Grey dans Fortnite. Toutes les grandes marques devraient s’intéresser à leur stratégie d’advergaming, cela va devenir vital.

Mais la publicité in-game n’est qu’un élément de la communication gaming. Réseaux sociaux, chaînes Twitch, événements, influenceurs et streamers sont indispensables. Au-delà du temps de jeu, les possibilités de communication sont infinies comme le démontre la dernière campagne de la SPA en partenariat avec le jeu vidéo Stray.

Arnaud HACQUIN
Arnaud HACQUIN
A 53 ans, après un parcours agences et annonceurs et la création d'une start-up HealthTech, Arnaud dirige depuis début 2023 la filière Marketing et Communication chez YNOV Campus.

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